Variations sur le vide dans les médias à travers le temps...

"Et au bout du compte, cette nouvelle mouture est meilleure que l’originale... 

Avec cette réédition, «Variations sur le vide» scintille de nouvelles couleurs. On reste pantois devant sa délicatesse pop." 

- Francis Hébert, La route aux 4 chansons, 09/2020  (ici pour la critique complète)

« A-t-il bien vieilli? Oui, oh que oui! Et il passe haut la main l’épreuve du temps, au point que la pièce Sur mon île, accompagnée d’une vidéo sobre mais efficace, prend un tout autre sens et nous donne envie de changer de vie en ces temps confinés »  

 - Claude André, Panam360, 04/2020  (ici la pour critique complète)

« Cet album-là est plein de perles… Une fille pour l’été a la perfection des classiques… »    

- Isabelle Porter, Le Devoir, 2005 

« Un des meilleurs disques d’auteur-compositeur-interprète masculin de l’année. ...Très Mc Cartney au sens de la mélodie »  

- Alain Brunet, Indicatif Présent, 2005 

« Des textes à faire frémir (Attends-moi, Sur mon île)… Assez de mélodies pour nous faire fredonner à répétition… »  

- Éric Parazelli, Bande à part, 2005

« Fortier sait mieux que quiconque en nos terres composer de grandes chansons pop »   

- Francis Hébert, Voir, 2005 

Ça donne une bonne idée de l’accueil qu’a reçu Variations sur le vide à sa sortie en 2005. Comme le disque était devenu Introuvable depuis plusieurs années, le Bleu du Feu - label récemment fondé par Jean-Sébastien Brault-Labbé et Jean François Fortier - s’est donné comme mission de l’offrir à une nouvelle génération de mélomanes et de lui redonner par le fait même une seconde vie. Seconde vie qui, espérons-le, saura aussi ravir les fans de la première heure et que ceux-ci nous pardonneront les quelques changements que nous avons cru bon apporter. 

Première modification notable : le pacing. L’ordre des chansons a été repensé en fonction d’une ré-édition vinyle - donc d’une face A et d’une face B* -, ce qui eu pour conséquence d’améliorer l’écoute globale de l’oeuvre selon le principal intéressé… Deuxième différence : le retrait de la pièce Variation sur le vide #2 - une instrumentale qui n’a pas passé le test du temps - au profit d’Une place, une chanson inédite. Trouvant que les paroles du bridge n’étaient pas à la hauteur du reste de la chanson, j'avais préféré ne pas l’inclure. C’est donc 15 ans et 2 nouvelles phrases plus tard qu’elle verra finalement le jour. Outre la nouvelle pochette, on laissera à ceux qui s’étaient procuré le cd le soin de découvrir les autres retouches - subtiles, des fois moins - qui ont été effectuées. 

Bien sûr, j'aurais aimé que mon album rencontre un succès à la hauteur des critiques enthousiastes qu’il a suscitées à l’époque. Mais la technologie aidant - les plateformes numériques n’existaient pas en 2005..! -, avec le Bleu du Feu, on fait le pari qu’avec sa pop classique et intemporelle, Variations sur le vide séduira un nouvel auditoire et agrandira le cercle de ceux qui savent déjà ce que vous vous apprêtez à (re)découvrir : C’est un fichu de bon disque!! 

 

 Réalisation, piano, synthé, banjo, steel pedal, guitares : Éric Goulet 

Batterie, percussion, choeur : Marc Chartrain 

Basse : Martin Farmer 

Lap steel, guitares : Francois Duval 

Choeur : Marie-Josée Forest 

Orgue, clavinet : Vincent Réhel 

Piano (Sur mon île, Il suffit d'être, Personne sait) : Johanne Trudeau 

Guitare classique (Personne sait) : Stan Mayrand 

Rhodes : Jenn Mierau 

Mandoline : Bob Cussen 

Choeur sur L'effet : Jean-Sébastien Brault-Labbé, Pablo Cervantes, Marie-Josée Forest, Guillaume Chartrain, Marc Chartain, Sandy Taddeo et Julie Fortier

Chant, guitares, paroles et musique : Jean Francois Fortier  (sauf Variation sur le vide composée par Marc Chartrain et Mark Lanctôt)

Mix et prise de son : Ghyslain-Luc Lavigne

Retouches mastering et prise de son additionnelles : Jean-Sébastien Brault-Labbé

Photo pochette : Claudine Sauvé

Direction artistique : Leonardo Deluca

Graphisme : Marie-Josée Forest

 

Cet album aurait difficilement vu le jour si je n'avais pas croisé la route d'Isabelle Fleury et de Julien Marti, à Magog, le soir du fameux bug de l'an 2000 ( à moins que ça ne soit avant? j'ai comme un doute tout à coup...). Disons que ça avait plutôt bien cliqué et que sans rien demander - avant ou après avoir réussi à sabrer le champagne avec un vrai sabre ? -, mes nouveaux amis m'avaient généreusement offert de financer en partie mon prochain disque..! Ce n'est toutefois que 2 ans plus tard - lorsque je compris que mon producteur n'était pas intéressé à aller de l'avant avec le 2e album prévu au contrat - que je m'informai pour savoir si l'offre tenait toujours. Et oui, l'offre tenait toujours..! Soulagé et énergisé par cette excellente nouvelle, je me mis sur le téléphone afin de savoir si mes amis musiciens étaient libres pour les mois à venir. Il n'était pas question d'enregistrer en vase clos comme pour mon premier album solo,  avec des musiciens que je ne connaissais pas, imposés par le réalisateur. Cette fois-ci, je ferais ça en gang , avec des amis. Je suis mal placé pour en convenir mais on m'a souvent dit que ça s'entendait.

Alors voilà comment à l'automne 2003, avec l'équipe présente sur la photo juste en dessous, on s'est enfermé pendant 2-3 semaines au studio Vox (aujourd'hui Madame Wood) pour enregistrer ce qui allait devenir Variations sur le vide, une collection de chansons que j'avais accumulée depuis les 3 dernières années.

 Au meilleur de ma connaissance, voici la petite histoire derrière chacune des chansons.

 

Face A*

 Rage de dents

Dans La transmigration de Timothy Archer, un roman de Philip K Dick, l'héroïne nous décrit le chaos qui la happe et la quête existentielle qu'elle a entrepris depuis que son mari s'est suicidé et que son beau-père est décédé en se perdant dans le désert de la Mer Morte, - un événement qui est vraiment arrivé à un ami de l'auteur. Le récit débute alors que la narratrice essaie tant bien que mal de s'anesthésier au bourbon en raison d'une rage de dents qui la fait souffrir et qui l'empêche de dormir. C'était aussi mon cas alors que je me replongeais dans ce livre que je me souvenais avoir beaucoup aimé adolescent. Sinon j'aurais aimé dire que je suis l'auteur  de la phrase "Maître cerveau sur mon corps perchée" mais elle n'est malheureusement pas de moi, je l'ai entendue alors que je zappais la tv dans une chambre d'hôtel après un spectacle pendant une tournée. Je me souviens qu'il y avait une magnifique illustration, très détaillée, d'un cerveau juché tel un corbeau sur un squelette... Mention spéciale à François Sunny Duval qui part le bal avec son lap steel dès l'intro, suivi d'un très suave roulement de tambour de Marc Chartrain. Y'a aussi Vincent Réhel qui y joue de très belles orgues, sans oublier le bassiste, Martin Farmer,  qui assure en 'ta... Disons que ça part bien.

Attends-moi

Après des singles du premier album qui avaient beaucoup tourné mais des ventes qui avaient pas suivi malgré une tournée en première partie d'Isabelle Boulay, de mon producteur qui me donnait pas de nouvelle concernant le prochain album prévu au contrat, disons que je  me sentais pas toujours top... Musicalement parlant, l'intro de Do you remember Walter des Kinks ( piano et drum ) m'avait plus qu'inspiré...

Sur mon île

Je l'ai initialement composée à la guitare et Vincent Réhel avait dans un premier temps fait un arrangement au piano Rhodes que Johanne Trudeau a amené une coche plus loin au piano si ma mémoire est bonne... J'y décris un paradis perdu au fond de l'Outaouais où mon père et ses frères - et plus tard notre famille - allaient passer leurs vacances d'été, et y chasser le chevreuil à l'automne.

Une fille pour l'été

Ça faisait un bout que je trainais cette descente chromatique qui tournait autour d'un seul accord. Quand j'ai appris comment on mettait le capo dans Norwegian wood tout en gardant la 6e corde à vide, ça m'a donné le flash pour la jouer en LA dans le haut du manche avec la 5e corde à vide afin que je puisse la chanter dans la tonalité qui me convenait. Le texte est venu à l'été 2003, alors que j'étais célibataire... Le joueur de mandoline s'appelle Bob Cussen. On était sorti à l'Esco après une longue session de studio et il y jouait avec un band bluegrass. J'avais beaucoup aimé son jeu et je l'avais invité pour qu'il vienne enregistrer avec nous quelques jours après. On l'entend aussi sur L'effet (#2).

1560 jours

Les délicieux fruits dont il est question traitent de l'effet pervers que peut entrainer le fait de vivre grâce aux subventions et bourses, de l'easy-money auquel j'ai eu moi-même accès avant, pendant et après avoir sorti mon premier disque. Je pensais vraiment que j'étais lancé... Il me manquait ce que j'appellerais maintenant "un rapport de force avec le réel". L'utilisation du synthétiseur par Éric Goulet sert particulièrement bien le propos et l'esprit de la chanson je trouve. La réalisation d'Éric est d'ailleurs inspirée et sur la coche pas mal partout je dirais, j'ai été chanceux de pouvoir compter sur un réalisateur et instrumentiste aussi talentueux..!

Quand je suis à côté de moi

Comme c'est le cas pour Une fille pour l'été,  j'aime bien quand un riff tourne autour d'un drone, d'une seule note qui résonne toute la chanson durant. Ça faisait un bout que je l'avais trouvé et que je chantonnais la mélodie sans trop savoir quoi raconter. Le fil m'est venu quand ma blonde à l'époque a commencé à trouver moins drôle le beat de nuit que j'avais adopté alors que je commençais à faire la préprod de l'album... Musicalement, le Maï Taï Orchestra - pas pour rien que François Sunny Duval et Vincent Réhel jouent dessus! - et And so I know des Stone Temple Pilot m'ont guidé. Si ma mémoire est bonne, Éric Goulet venait de se procurer un pedal steel et en a joué pour la première fois sur cette chanson, ainsi que sur Space Cadette.

Faut que j'change

J'aime bien me donner le défi de prendre la suite d'accord classique du rock n' roll  - I, IV et V  dans le jargon - et y ajouter mon grain de sel. Traite de la nécessité et de la difficulté de changer, notamment quand on désire vivre de sa musique mais qu'on entretient en même temps l'idée que de faire de l'argent avec son art, c'est pas trop noble... Facile de penser comme ça quand tu touches des subventions, un peu moins quand y'en a pu..! Mais bon, une chance que j'ai changé et que je me fie pu sur les subventions... Mais étant donné qu'elle est très différente du reste de l'album, j'ai décidé de ne pas la mettre sur la version vinyle.

Face B*

 

Celle-là m'est venue un soir après que je sois rentré du studio. Le texte s'est écrit très rapidement, en même temps que la musique. On l'a enregistrée le lendemain ou le surlendemain, live les 4 ensemble. Éric Goulet a refait des overdubs de lap steel et Vincent Réhel a rajouté de l'orgue par après. Y'a Talk Talk époque Spirit of Eden  qui m'a aiguillé pour le mood général. Le texte parle, je pense, de la mainmise de notre égo sur nos conceptions et des effets souvent négatifs que ça entraine. J'ai modifié dernièrement la toute dernière phrase. J'avais eu le flash à l'époque mais je l'avais oublié quand était venu le temps de la chanter... Une dénommée Jenn Mireau y joue du Rhodes. Je l'avais rencontré à l'urgence de l'hopital St-Luc où j'attendais pour une vilaine blessure à la jambe pour laquelle il n'y avait pas grand chose à faire. Comme quoi.

Variation sur le vide

Une gracieuseté de mon ancien coloc et batteur Marc Chartrain et de Mark Lanctôt ( comment vas-tu Mark ? ) et que j'avais baptisée L'invitée de Marc avant que je ne trouve le titre de l'album, une autre gracieuseté de mon ami Stéphane E. Roy. C'est une pièce que j'aimais beaucoup et qu'il m'arrivait d'entendre alors qu'ils étaient en train de la peaufiner. J'avais rencontré Marc alors que je cherchais des musiciens pour m'accompagner pour mon premier disque. Une chambre s'était libéré dans son appartement, ce qui tombait bien car je venais de me séparer et je cherchais un endroit pour habiter. C'est là, sur la rue Hutchison près du Mont-Royal - d'où la pochette - que j'ai composé et peaufiné la plupart des pièces de l'album. Variation sur le vide  a probablement influencé la progression d'accords de car les cordes se superposent à merveille sur le refrain. L'ayant réalisé après que l'album soit sorti, je me suis repris 15 ans plus tard pour mieux les enchainer. Dans la nouvelle version, l'intro commence sur la dernière phrase de . Elle a aussi été raccourcie.

Une place

Une inédite qui m'avait donné du fil à retordre pour le texte. Il m'était venu quand même assez facilement mais ça avait bloqué au niveau du bridge. J'avais trouvé après coup tellement mauvaises les 2 phrases que j'avais fini par chanter que j'ai décidé de ne pas inclure la chanson sur le disque même si j'aimais beaucoup la progression. Elle aussi fut composée pendant que j'étais en studio, probablement inspiré par mon nouvel état d'esprit, beaucoup plus libre que du temps où j'étais sous contrat avec une maison de disque. "Jouer un rôle qui te va pas, claquer la porte, et croire qu'il y a, quelque part une place... où tu t'sens à ta place." En studio, à jouer, composer et enregistrer de la musique avec des amis, je me sentais définitivement à ma place. Avec Attends-moi, c'est la seule chanson avec un vrai solo de guitare. Mention spéciale à la ligne de basse nerveuse et efficace de Martin Farmer. Et à ses anecdotes invraisemblables qu'ils nous a racontées tout au long des sessions d'enregistrement..!

Il suffit d'être

Mes lectures bouddhistes et ma découverte de Krishnamurti m'ont inspiré l'essentiel du texte. Et pour la musique, la magnifique Mysteries de Beth Gibbons plane assurément autour. Ce n'est que plusieurs années plus tard alors que j'ai appris à jouer Yesterday comme elle avait été enregistrée - accordé un ton plus bas pour pouvoir la jouer en position de G contrairement au F barré que je voyais dans tous les livres - que j'ai réalisé des similitudes au niveau de la progression. Johanne Trudeau a composé et joué le très bel arrangement pour le piano, ce qui a par la suite donné  l'idée à Marc Chartrain d'ajouter les 4 belles notes au piano pendant le bridge. Ça ne parait pas comme ça mais la jolie voix qui vient me rejoindre dans les 2e et 3e refrain ( et dans Quand je suis à côté de moi ) est celle de Marie-Josée Forest qui combattait une bronchite..! On venait à peine de se rencontrer. 17 ans et 2 enfants plus tard, nous sommes toujours ensemble. Y'a pas à dire, cet album fut marquant à plus d'un égard, il fut aussi le prélude à l'union de Johanne Trudeau et Martin Farmer...

Pour revenir à l'enregistrement d'Il suffit d'être, ce que j'y raconte tenait plus du souhait et de l'imaginaire que du vécu. Mais une expérience intense et très particulière survenue durant l'été 2004 m'a non seulement conforté dans ma recherche spirituelle mais m'a également amené à penser qu'une forme de prescience a guidé l'écriture des paroles - et pas seulement de cette chanson - étant donné la description troublante dont je fais état et dont je n'avais pas encore été témoin...

Personne sait

De la pop existentielle! Je viens enfin de trouver comment qualifier la musique de Variations sur le vide. Après 15 ans, il est pas trop tôt. D'athée convaincu, mes lectures sur le bouddhisme vers la fin de ma vingtaine m'ont sérieusement ébranlé dans mes certitudes. On ne m'avait jamais expliqué que ma psyché fonctionnait selon un certain mode, dualiste, et qu'il était possible de le dépasser afin de comprendre et de voir les limites dans lesquelles notre égo et le langage nous enferme. On pense en mots, sans vraiment réaliser tout ce que cela implique et programme dès notre plus jeune âge... Bref, ce n'était pas qu'une question de croyance mais plutôt de technique et de discernement.  Personne sait est la chanson d'un athée sur ses derniers milles... Je tenais à ce que Stan vienne jouer dessus avec sa guitare classique car je l'avais en partie trouvée lors d'un des nombreux jams qu'on a fait dans son appartement, un étonnant demi sous-sol - surnommé le Kavastan - sur la rue St-Joseph qui donnait l'impression d'être plutôt dans une péniche! Ici aussi, l'arrangement de Johanne Trudeau rehausse la pièce.

L'effet (#2)

Ceux qui connaissent l'originale se demanderont peut-être pourquoi je l'ai tronquée et fait commencer au début du bridge - d'où l'ajout du #2 - ? Je trouvais que son début, trop heavy, s'enchainait mal avec les autres morceaux et contrastait trop avec l'esprit général de l'album. Par contre son bridge complètement  acoustique m'a permis de l'insérer facilement dans ce segment un peu plus folk de l'album, après Personne sait avec qui elle a aussi une parenté - quoique plus ludique, le choeur ! -, au niveau du texte.

Space Cadette

Celle-là, je l'ai écrite juste avant d'entrer en studio, à la fin de l'été 2003, alors que deux des principaux protagonistes de l'album étaient en train de se séparer. Je ne savais pas à l'époque que space cadet était une expression consacrée et désignait en anglais une fille instable. J'étais à Frelishburgh, au pub St-Patrick, quand j'ai entendu une dame prononcer cette expression au détour d'une conversation et ça m'a marqué, j'aimais comment ça sonnait. Mention spéciale au jeu de batterie de Marc Chartrain qui appuie et fait monter graduellement la pulsion tout au long de la chanson. L'arrangement est pricipalement celui d'Éric Goulet qui y joue le piano, le steel pedal et l'orgue. C'est elle qui lançait l'album initialement mais à bien y penser, c'est plus une chanson de conclusion que de commencement, le dernier accord de piano qui résonne boucle bien la boucle.

 

 

La première pochette

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